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Ben Nevis tient son nom du gaélique « Montagne effrayante ».
Situé à l’Est de Fort Williams dans le Comté d’Inverness (à l’ouest des Highlands), c’est le sommet culminant d’Écosse et du Royaume Uni (1334m). De ses flancs jaillissent les sources pures qui alimentent la distillerie Ben Nevis depuis les puits de Lochaber et de Buchan.
Le 14 juin 1827, soit deux années après la construction de sa distillerie, John Mac Donald, alias « Long John », écrivait ceci :
« La distillation est le produit d’un mariage subtil entre la science, la nature et le divin :
– Une eau pure puisée dans deux petits lochs des environs
– De l’orge aux grains dodus, bien sèche avec ce qu’il faut de protéines
– De la levure à la texture pâteuse, comme du mastic, essentielle au processus de fermentation
– Une tourbe provenant de la colline voisine et qui vient au whisky de deux façons : par l’eau qui s’en imprègne en passant par montagnes et marais et par le fumage/séchage de l’orge malté. »
Long John, descendant en droite ligne du Lord des Isles, chef du clan des Mac Donald était un fermier de grande taille qui donna son nom au fameux blend, le « Long John’s Dew of Ben Nevis ». Doté avant l’heure d’un sens aigu du marketing, il offrit un fût de whisky à la Reine Victoria lors de son passage à Fort Williams, avec pour consigne de ne l’ouvrir que 15 années plus tard à la majorité du prince de Galles…
Long John sortit victorieux d’une embuscade tendue par une bande de contrebandiers qu’il mit en déroute armé d’un simple crochet.
Les malfrats lui reprochaient son allégeance au fisc de la couronne britannique. L’Écosse était profondément marquée par deux siècles de lutte acharnée qui opposait les « excisemen » (percepteurs) et les distillateurs clandestins. L’« Excise Act » sonna le glas de la contrebande généralisée. Cette loi, votée en 1823 à l’initiative du Duc de Gordon, ramena la paix sociale en favorisant la distillation légale grâce à un système de taxation raisonnable et équitable.
À la mort de Long John, Donald Macdonald hérita de la distillerie de son père ; grâce aux qualités de management de son frère Peter, l’affaire connut dès lors un essor fulgurant ; en 1864, la production de whisky décupla tant et si bien qu’en 1877, 51 personnes y travaillaient à temps plein.
L’année suivante, Peter fit construire une deuxième distillerie : « Nevis » à l’embouchure du fleuve du même nom. Cette distillerie était équipée d’une gigantesque aire de maltage couverte, la plus grande de toute l’Écosse du nord : 3000 personnes pouvaient s’y asseoir confortablement…
Outre les cottages pour les travailleurs, il fit bâtir des entrepôts, commerces, épiceries coopératives et un port qui permettait le transport du whisky sur des vapeurs via le Loch Linnhe.
La distillerie Nevis ferma en 1908 victime collatérale de la faillite des Frères Pattison qui précipita la crise du whisky à la fin du XIXème siècle.
Ben Nevis poursuivit son chemin cahin-caha et devint en 1941 propriété du canadien Joseph Hobbs qui installa un alambic à colonne (coffey still) pour distiller le grain, ce qui en fit la première distillerie à produire à la fois du single malt et du blend whisky, le « single blend ».
Le coffey still fut démantelé en 1971.
Autour des années 2010 Ben Nevis et Benromach furent les seules distilleries à utiliser la levure de bière dans leurs washbacks ; les amateurs disserteront sur l’apport d’un caractère particulier au distillat contrairement aux levures traditionnelles orientées uniquement sur le rendement.
La distillerie est équipée de deux paires d’alambics, d’un lauter mash tun , six washbacks en inox pour des fermentations de 48h destinées en partie au Blend Dew of Ben Nevis et deux washback en pin sylvestre où le moût travaille 96h. Cette dernière version est destinée au « Nikka Black » un blend très populaire au Japon.
Nikka Whisky Distilling Company of Japan, propriétaire depuis 1989, a divisé la production en trois segments : single malt, vatted malt et blend. La plus grande part du whisky d’assemblage est destinée au vatted malt « Glencoe » et au blend « Dew of Ben Nevis Blue Label ».
Depuis le début des années 1990, seul le single malt 10 ans est embouteillé régulièrement. On notera deux autres expressions : un single sherry cask de 14 à 15 ans d’âge et un single cask finition bois de 15 ans d’âge.
Les visites ont lieu dans un chais (l’ancienne distillerie Nevis) où Hector Mc Dram un rouquin géant, hirsute et barbu raconte sa légende sur grand écran avec force « R » et yeux furibonds :
« C’est à mains nues que je façonnai le Ben Nevis, le Loch Ness, les vallées et montagnes environnantes. Après m’être reposé, je brassai une boisson rafraîchissante à l’aide de l’eau pure des torrents. Avec le précieux concours des divinités, la magie opéra et l’eau de vie était née. « Uisge Beatha »